retour L'Ecole de Saint-Cyr a été le théâtre du traditionnel parrainage des promotions. Cinq d'entre elles étaient représentées: la promotion sortante, celles des 25 ans, des 50 et des 75 et, pour la première fois dans l'Histoire, celle des 100 ans.
Le général Philippe Lebel, de la promotion Maréchal Bugeaud, était en effet présent. Compte-tenu de son âge canonique, 122 ans, il a fait l'objet d'une attention particulière tant de la part de la générale commandant l'Ecole, que des jeunes saint-cyriennes, volontaires désignées d'office pour pousser le fauteuil de leur grand ancien. Se relayant d'heure en heure, ces jeunes femmes, dont l'une portait en permanence, sans que l'on sache trop pourquoi, un pot de peinture rouge, ont accompagné le noble vieillard dans son pèlerinage sur des lieux depuis longtemps disparus et connus de lui seul:
le cinéma où il avait dormi d'un sommeil d'une profondeur qu'il n'aurait jamais retrouvé depuis;
le manège où, bien que roturier, il s'était pris de passion pour un aristocrate, nommé Baron de Bourgogne;
la semaine de la 1ère compagnie où il avait
eu son premier vélo et appris à le conduire de la seule
main gauche pour pouvoir saluer de la droite; le sapin de l' îlot
T au pied duquel, un soir de Noël, il avait trouvé une paire
de fenêtres au lieu de sa paire de souliers;
l'Ours enfin où il a inauguré avec émotion une plaque
en l'honneur d'un de ses camarades de la Bugeaud, le colonel Georges Bonvilain,
qui y avait, de 1958 à 1960, passé la majeure partie de
ses nuits.
C'est seul, en revanche que le général Lebel
a tenu à pénétrer dans le Musée du Souvenir.
Trois heures plus tard, il n'en était pas ressorti. A l'heure où
nous mettons sous presse, il y est toujours, répondant obstinément
à la cellule psychologique qui tente d'établir avec lui
un dialogue cohérent: " Je suis une pièce de musée,
ma place est ici!".
Aux dernières nouvelles, le général
Lebel est toujours retranché à l'intérieur du Musée
du Souvenir. Il se serait installé dans une vitrine, se nourrirait
de souvenirs et, pour entretenir sa forme physique, ferait chaque jour
deux heures de bicyclette sur le vélo pliable du commandant Marchand.
Si l'on en croit le docteur Garant, éminent gérontologue
spécialiste du cinquième âge et célèbre
pour sa thèse "Comment retomber en enfance pour mieux rebondir"
le glorieux vétéran pourrait fort bien échapper au
sort communément réservé à l'espèce
humaine et ne jamais mourir.
Ce qui, même venant d'un membre de la promotion Maréchal
Bugeaud, constituerait une grande première.
L'archevèque de Saint-Malo de Baignon a quant à lui suggéré
de remettre le sort du vénérable ermite entre les mains
de Dieu: "Cet homme est un Saint, et seuls d'autres Saints pourront
le convaincre d'aller s'asseoir au Paradis à sa place assignée.
Je vais vous dire ce qu'il faudrait. Que les 597 Saints de la promotion
Maréchal Bugeaud reprennent leur MAS 36, forment leur bataillon,
débarquent sur le Marchfeld et l'emportent avec eux."
(MUSIC 8. When the Saints go marching in. Chanté)
