Armes du maréchal de France Thomas Bugeaud, duc d'Isly
(Wikipédia)


La duchesse et le général
Duchesse de Berry Maréchal Bugeaud,
duc d'Isly
Les personnages
xxxxxSon Altesse Royale la princesse Marie-Caroline de Bourbon-Siciles (1798-1870), épouse (1816) le duc de Berry, héritier du trône après son frère le duc d'Angoulême, sans postérité. De cette union naît Henri, duc de Bordeaux puis comte de Chambord, né après l'assassinat de son père, en 1820, par Louvel.
xxxxxLa Révolution de 1830 la chasse de France et elle accompagne Charles X en Angleterre. Elle s'entoure de légitimistes qui œuvrent à la restauration des Bourbons, en la personne de son fils. En avril 1832, la duchesse rentre clandestinement en France et tente sans succès de relancer les guerres de Vendée. Après s'être cachée en divers endroits, trahie, elle est arrêtée dans des conditions ubuesques et incarcérée, en novembre 1832, à Blaye.
xxxxxLe futur maréchal de France Thomas Bugeaud, duc d'Isly (1784-1849), s'engage (1804) comme vélite des grenadiers de la Garde impériale. En 1805, il part de Boulogne où se préparait l'invasion de l'Angleterre et gagne l'Europe centrale avec la Grande Armée. Il gagne ses galons de caporal (équivalent de sergent-major dans l'Infanterie de ligne) à Austerlitz. Passant au 64e régiment d'infanterie (1806), il est nommé sous-lieutenant, fait la campagne de Prusse, s'y distingue, y est blessé et promu lieutenant (1807). Juste après, c'est l'Espagne, où il se fait remarquer à de multiples reprises ; capitaine (1809) puis chef de bataillon (1811), il est fait chevalier de la Légion d'honneur (1811).
Major (correspondant, aujourd'hui, à lieutenant-colonel) au 14e régiment d'infanterie de ligne, alors qu'il espérait devenir colonel et recevoir le commandement d'un régiment, il piaffe parce que Suchet le garde auprès de lui en Espagne, jusqu'au repli final vers la France. Napoléon abdique ; avec Suchet, Bugeaud se rallie à Louis XVIII. Nommé enfin (!) colonel, il prend le commandement du 14e régiment d'infanterie de ligne : il aura 30 ans, quatre mois plus tard._
Insigne de l'actuel 14e régiment d'infanterie, avec la fameuse casquette du maréchal Bugeaud.
xxxxxxEn 1815, Napoléon revient. Le 14e, alors à Orléans, doit rejoindre le comte d'Artois à Lyon mais au fur et à mesure de l'avance, les soldats se laissent convaincre par l'enthousiasme général et finalement le régiment et son colonel passent à l'Empereur. Son régiment affecté à l'Armée des Alpes, Bugeaud n'est pas à Waterloo. Tout au contraire, dix jours après la défaite, la dernière victoire de l'Armée impériale, à Conflans, face aux Autrichiens, lui revient.
xxxxxxLa Seconde Restauration, bien sûr, le met en demi-solde. Qu'à cela ne tienne ! Il prend " ses terres " en main, se marie (1818), devient maire de sa commune. Au moment de l'affaire d'Espagne, il demande quand même sa réintégration, qui est refusée. Il reste donc chez lui et… adhère à l'opposition libérale.
xxxxxxLa Monarchie de Juillet le rappelle au service, lui confie le 56e régiment d'infanterie (1830) puis le nomme (1831) maréchal de camp (correspondant aujourd'hui à général de brigade) sans lui donner de commandement. Il est alors élu député d'Excideuil (1831) : " Je ne suis qu'un soldat laboureur " dit-il. Début 1833, sans trop savoir à quoi il s'engage, il accepte le commandement de la citadelle de Blaye.
xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxLa duchesse et son gouverneur / " gardien "

xxxxxLes partisans de la duchesse s'indignent de la détention de leur égérie, dont on soupçonne déjà la grossesse. D'où l'objectif du gouvernement : " obtenir l'aveu de son état par la duchesse, si possible connaître le nom du père, et faire en sorte que cette grossesse parvienne à terme en rendant les faits publics, afin que la cause légitimiste soit déconsidérée "*.
*L'astérisque signale les citations tirées du livre de Jean-Pierre Bois, Bugeaud (Fayard, 1997).
xxxxx" Le général Bugeaud, qui a pris très au sérieux sa mission, exécutée avec une courtoisie un peu froide, en a laissé le récit dans un Journal de la citadelle de Blaye. (…/…). Sa lecture démontre au moins qu'il n'a jamais été cet Hudson Lowe barbare que dénoncent les légitimistes "*.
xxxxxAvec beaucoup de diplomatie, très rapidement, en moins de trois semaines, Bugeaud parvient à convaincre la duchesse, " imprévisible dans ses humeurs, passant du charme aux larmes, et de l'excitation au silence buté "*.

Elle accepte de reconnaître son mariage secret avec le comte Hector Lucchesi-Palli.
xxxxBugeaud organise alors l'accouchement, en présence d'un minimum de témoins, contrevenant aux directives, plus sévères, du gouvernement et, en mai 1833, la duchesse donne le jour à une petite fille.

Accouchement de la duchesse de Berry, dans Bugeaud, le soldat, le député, le colonisateur (Albin Michel, 1931), par J. Lucas-Lebreton.

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Le gouvernement décide alors de rendre sa liberté à la duchesse, et en juillet 1833, Bugeaud l'escorte lui-même jusqu'à Palerme où sa royale famille la reçoit avec un enthousiasme… mesuré

xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxÉpilogue

xxxxPour lui marquer sa satisfaction, Louis-Philippe accorde à Bugeaud une gratification de vingt mille francs qu'il utilise au profit des communes de Lanouaille et Excideuil ; Excideuil, qui s'est souvenu assez du maréchal pour accueillir sa statue, rapatriée d'Alger. En 1999, cette statue, restaurée, est officiellement installée à Excideuil en présence d'une belle assistance dont le général de corps d'armée Maurice Bonte, le colonel Bernard Létrange et d'autres membres de la promotion Maréchal Bugeaud, 145e promotion de l'École spéciale militaire interarmes de Saint-Cyr-Coëtquidan (1958-1959-1960).
xxxxMais si toute cette affaire finit bien, quoique assez petitement pour la fantasque duchesse de Berry, il n'en va pas de même pour un détracteur imprudent du pointilleux général.
xxxxDébut 1834, à la Chambre, dans le cadre d'une discussion difficile sur le budget de la Guerre, Bugeaud venant d'affirmer que " le devoir du soldat est d'obéir ", un député de l'opposition, Charles Dulong lui lance, hors de propos et de façon désagréable : " L'obéissance conduit-elle jusqu'à se faire geôlier ? ". Bugeaud, bien sûr, lui en demande raison et Dulong promet une lettre d'excuses dans le Journal de débats du lendemain ; mais n'en fait rien. Maintenant, écoutons l'offensé.
xxxx" Je dis qu'il fallait la lettre ou le combat. Ils (Ndr : les témoins de Dulong) ne voulurent faire aucune concession ; je pris leur heure et je choisis l'épée. Les témoins de Dulong ne voulurent jamais. "Et bien, messieurs, nous tirerons chacun un coup de pistolet, et nous prendrons l'épée s'il n'y a pas de résultat". Même obstination dans le rejet. Je proposai successivement deux coups de pistolet et l'épée, le sabre, le fusil, et sur leur refus de tout, je proposai par dérision le bâton. Enfin, fatigué d'une si longue discussion, je finis par dire : "Eh bien, messieurs, puisqu'il faut que l'offensé fasse toutes les concessions, je me battrai au pistolet, jusqu'à ce que l'un des deux soit sur le carreau" ".
xxxx" Hier, à 10 heures du matin, nous nous sommes rencontrés au Bois de Boulogne ; on nous a mis à trente pas, pouvant marcher l'un sur l'autre jusqu'à vingt. Je l'ai couché en joue deux fois pour le faire tirer, mais sans succès ; arrivé à la limite, j'ai cru prudent de me donner le premier feu, ayant une très bonne arme. Ayant abaissé mon pistolet dans la ligne de son nez jusqu'à sa cravate, mon coup est parti contre ma volonté, et je lui ai cassé la tête. Il est tombé raide… ".

xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxCo-production
xxxxxxxxxxxxxxxgénéral de brigade Jean Boÿ, colonel Bernard Létrange, colonel François Toussaint